Amours incertain(e)s ? je crois que cette phrase parle à tout le monde, par contre à quoi cela fait référence en matière de théâtre, malheureusement moins et pourtant, c’est une pépite certifiée.
C’est lors de la présentation du programme cet été, que ce Romances Inciertos, un autre Orlando m’avait déjà tapé dans l’oeil. De la danse apparemment traditionnelle, de l’Espagne, de l’Histoire, toutes ces choses réunies pour m’intriguer. Et un vendredi soir de décembre, j’y suis allée.
Le ballet-opéra
Le ballet-opéra se divise en 3 actes reprenant 3 personnages de la culture espagnole le tout avec une mélancolie, une finesse et une âme identique. Le danseur est purement et simplement habité. Oui bon si j’avais amené un ami ou amie, la personne aurait certainement utilisé le mot « trippé ». Ce qui n’aurait pas été faux.
Le décor
La scène est composée de 4 panneaux de papier peint et de 4 emplacements pour le quatuor composé d’un bandéon, de gioles de gambes, de théorbe et guitare baroque et de percussions historiques et traditionnelles. Oui vous vous doutez bien que j’ai recopié ces noms savants d’instruments…
Acte 1 Doncella
Dès les premières notes on est saisis rien que par l’intensité de la musique. Entre en scène François Chaignaud en Doncella Guerrera, la Mulan espagnole puisqu’il s’agit d’une jeune demoiselle du Moyen-âge partie faire la guerre en se faisant passer pour un homme.
Il commence par quelques pas de danse d’antan, on descelle tout de suite à la technique maîtrisée que c’est un vrai danseur avec formation classique et contemporaine. Ce qui est le cas et en plus il a mon âge…! Quelques mesures plus tard, ah parce qu’en plus il chante?!! Tel un castrat (je ne dis pas cela péjorativement), on est comme hypnotisés, impossible désormais de décrocher. L’emprise est totale.
Acte 2 San Miguel
On passe au 2e personnage, l’archange San Miguel, de Garcia Lorca (poète dramaturge espagnol du début du 20e siècle), archange porté lors des processions ritualisées de la Semana Santa. L’archange débarque perché sur des sortes d’échasses ce qui est déjà plus qu’étonnant…
mais l’étonnement atteintson paroxysme lorsqu’on réalise qu’en plus de ces échasses le danseur porte des pointes (les chaussons donc!).
Acte 3 Tarara
Et pour terminer, c’est au tour de Tarara, gitane andalouse qui, après un amour déçu (qui ne l’est pas de toute façon…?), oscille entre mysticisme et séduction, et cache une secrète androgynie, le tout au son d’un flamenco qui vous happe et ne vous laisse aucun répit émotionnel. Jusqu’à la dernière larme de Tarara.
A tel point que les applaudissements ont mis une petite seconde avant de sortir, le temps descendre du nuage en essayant de se remettre de ses émotions. La standing ovation immédiate n’était que logique.
Mon ressenti
Pour moi ce qui est le plus réussi c’est justement de n’avoir rien compris. Je ne connaissais pas les personnages incarnés avec brio par François Chaignaud, je n’avais pas eu le temps de lire le communiqué de presse ou le fascicule distribué et pourtant j’ai été transportée.
C’est là tout ce que je recherche en allant voir un ballet ou une pièce. On ne devrait pas avoir besoin de comprendre ou intellectualiser l’art, pensez aux pauvres blondes comme moi qui n’ont pas toutes ces connaissances. Il « suffit » que cela vienne des tripes, une simple émotion, pour être conquise. Bon et un peu de talent je vous l’accorde.
Conquise je l’ai plus qu’été, la larme à l’oeil jusqu’à la fin, chamboulée jusqu’au parking, je me révisualise parfois les quelques vidéos de présentation du spectacle.
Données pratiques
Spectacle de 70 minutes créé à Saint-Gervais le Théâtre en septembre 2017 dans le cadre de La Bâtie-Festival de Genève, mis en scène par François Chaignaud et Nino Laisne. Et comme ils ne repasseront pas par la Suisse, donc oui vous avez manqué cette pépite andalouse… ,je ne vous en félicite pas :-p.
BIBLIOGRAPHIE
Propositions de lectures pour poursuivre le spectacle autrement
- Virginia Woolf, Orlando, celui là je vais le lire car je ne connaissais pas ce roman
- Federico Garcia Lorca, Romancero gitan, Folio, 2010
- François Chaignaud, L’affaire Berger-Levrault : le féminisme à l’épreuve (1897-1905), 2009
Bon en fait je vais tous les mettre sur ma liste de lecture. D’ailleurs s’il y a le CD audio disponible je suis également preneuse!
Et merci Vidy pour cette 3e découverte, après Les Idoles et Clean City, plus que surprenante et émouvante.
Hasta luego mis inciertos
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