Une danseuse étoile de couleur au corps musclé digne d’une athlète et d’une beauté attachante, une révolution (qui ne devrait pas en être une…!) dans le monde du ballet classique. Cette extraterrestre porte le nom de Misty Copeland et nous livre son histoire dans une biographie, Une vie en mouvement – Life in motion, an unlikely ballerina, simple mais efficace que j’ai dévorée en deux jours (certes sur une plage aux Caraïbes…).
Le livre
J’avoue que j’ai eu un peu de mal au premier abord. Le premier chapitre est ponctué, à chaque paragraphe, par la phrase « je fais cela pour toutes les filles à la peau brune » (oui je l’ai lu en français…je n’ai même pas pensé à sa version originale…) du coup la redondance lasse un peu. Mais bien sûr blanche comme une M de laitier, blonde aux yeux bleus, à prendre des cours de danse classique dans une petite ville de Suisse tout à fait conventionnelle, j’étais à mille lieux d’imaginer que la couleur de peau d’une danseuse, aussi talentueuse soit-elle, puisse poser un quelconque problème. Et puis au fur et à mesure du livre, Misty nous raconte les embuches et injustices qu’elle a subi et qui ne l’ont pourtant pas empêchée de gravir les échelons fermés d’une compagnie de renom. On finit par comprendre et s’insurger.
Passé ce premier chapitre, on débute logiquement et chronologiquement par la suivre depuis sa plus tendre enfance jusqu’à sa nomination comme première danseuse à l’American Ballet Theater (ABT).
Et quelle ne fut pas ma surprise de constater quelques points communs avec son récit (le talent de danseuse n’en faisant bien évidemment pas partie…). Elle aussi angoissait à chaque rentrée, obligée d’aller en repérage des lieux quelques jours avant, arrivant préparée aux cours (même si le but est d’apprendre…), la peur de l’inconnu et de la non maîtrise des choses…On dirait moi, mais cela s’arrête là (ah si j’avais pu avoir un dixième du tiers de la moitié du quart de son talent…!). La danse classique est somme toute une évidence, maîtrise (de son corps et de tout le reste) et discipline étant les deux principaux attraits de cet art.
Si les gens ont plutôt tendance à faire une fixette sur sa couleur de peau, qui pour moi n’est pas une particularité, c’est une danseuse point., c’est plus son âge qui surprend. Comme le mannequinat, la danse est un art de « jeunes », on est (ils sont!) vite relégué sur le banc de touche, si à 20 ans vous n’avez pas percé, c’est fichu. La plupart commence vers 4 ans pour finir petit rat à 12 ans et sur pointes à 14/16 ans.
Misty commença donc relativement tardivement la danse et est déjà presque « vieille » pour ce métier (ben oui elle a mon âge et même 5 mois de plus!). Elle ne commença qu’à 13 ans, quand la plupart des danseuses sont déjà dans le corps de ballet de prestigieuses écoles. Nommée danseuse étoile en 2015 à 33 ans, quand on pense que la dernière en date, Léonore Baulac a été nommée en décembre à l’âge de 26 ans (elle vient d’en avoir 27), et une danseuse étoile se retirant vers la quarantaine. Mais mieux vaut tard que jamais comme dirait l’autre (pour ma part cela sera manifestement très très très tard).
L’épisode qui me marqua le plus dans le livre, et sa vie par conséquent, fut son rejet du Lac des cygnes. Elle devait faire partie des 4 cygnes dansant à l’unisson, la danse des petits cygnes, un instant phare du ballet souvent exécuté par des danseuses encore inconnues mais prometteuses. Et bien malgré son talent et les répétitions en cours, le rôle lui fut finalement retiré, sa couleur de peau dénotait trop des trois autres « blanches ». Oui quand on lit ça on hésite entre énervement et rire tellement cela paraît ridicule, mais dans la haute société new yorkaise forcément…
Elle finit tout de même par se transformer en cygne! Y voyez-vous autre chose qu’une superbe danseuse?
La danseuse
On passera sur son vie familiale nomade, voire chaotico-rocambolesque, même si c’est ce qui a fait d’elle ce qu’elle est devenue. Je ne vous ferai pas non plus une reprise biographique à la Wikipedia. Mais fait marquant: elle a tout de même dansé pour Prince qui la contacta directement! et l’a manifestement beaucoup côtoyé le suivant en tournée entre deux saisons de l’ABT.
Elle passa par toute épreuve, malheureusement classiqu,e de la danseuse: problème de poids (on lui fait gentiment comprendre qu’elle est trop « grosse », oui on peut lever les yeux au ciel), blessures de fatigue et repos forcé. Elle revint à chaque fois encore meilleure.
Une autre de ses particularités, qui gêne également pas mal de personnes, c’est son approche très médiatique, voire commerciale de la danse classique. Art sportif très élitiste et plutôt secret, elle n’hésite pas à beaucoup communiquer sur les réseaux sociaux, à donner des interviews à l’image de grands sportifs. Très peu de danseuses classiques prennent le temps d’alimenter site internet: http://mistycopeland.com/. Elle vit avec son temps et n’hésite donc pas à profiter du vecteur commercial pour promouvoir, certes son image (on le fait toute non?!), mais aussi une philosophie de vie, ramenant la difficulté de la danse classique à dimension presque humaine. Vous me direz c’est tout de même plus facile quand on est un prodige mais ne croyez pas qu’elle n’a pas souffert et galéré pour arriver là où elle est maintenant. Comme Roger Federer vous pouvez avoir 90% de dons, il vous faut tout de même travailler les 10% restant pour atteindre un tel niveau.
Adulée par de nombreuses jeunes danseuses, elle est un exemple pour elles et ne manque pas de les guider à travers des vidéos motivatrices. Elle se fait la voix de la danseuse à la peau brune.
Elle vient d’ailleurs de sortir un nouveau livre intitulé Ballerina Body: Dancing and Eating Your Way to a Leaner, Stronger, and More Graceful You. Programme prometteur dont je vais certainement faire l’acquisition prochainement (je sais ce n’est pas en lisant un bouquin que cela va faire des miracles…).
L’avis général
On ne jugera ni le contenu (chacun sa vie), ni ne tiendra de théorie politico-ethnique mais le livre en lui-même se laisse lire facilement avec un ton simple et factuel, sans revendication, ni tergiversation philosophique et qui soulève quand même bien le travail et les sacrifices qui doivent être pris très vite dans ce monde. Ce qui est d’autant plus agréable est son humilité, contrairement à d’autres autobiographies de danseuses étoiles qui racontent leur ascension avec un égo surdimensionné (je tairai les noms).
En résumé, elle est belle, elle a un corps de rêve, elle danse magnifiquement bien, est étoile à l’ABT, donc arrêtons de la jalouser! Elle nous change des poupées russes et techniciennes asiatiques, le talent n’a pas de couleur.
toutes les photos (à part l’image de tête d’article) proviennent de son site www.mistycopeland.com