Invitée par le Verbier Festival et le Béjart Ballet Lausanne (BBL), j’ai animé mon tout premier « talk », avec, excusez-moi du peu, Julien Favreau, récemment nommé directeur artistique du BBL.
C’était une première pour moi à plusieurs titres : première fois au Verbier Festival et premier animation/modération d’un événement. Si j’ai déjà donné quelques conférences sur le marketing d’influence (ce qui est confortable : je connais le sujet et y a que moi qui blablate), là, c’était tout autre chose.
Pas de filet, pas de répétition, un public de plus de 75 personnes… mais un sujet qui me passionne, ce qui aide énormément. Et malgré le stress (positif), je suis restée fidèle à moi-même : naturelle, rigolote (oui je sais tout est relatif) et groupie officielle et autoproclamée. Résultat : une ambiance chaleureuse et un invité mis à l’aise, du moins je l’espère !
Le Talk avec Julien Favreau
Un échange fluide, sans script, mais parfaitement chorégraphié
Bien sûr, j’avais préparé, répété mon interview et une série de questions deux semaines à l’avance, tout à fait consciente que nous n’aurions pas le temps de tout aborder.

Finalement, la discussion s’est chorégraphiée toute seule. En commençant par le présent, avec la soirée du 18 juillet 2025 qui nous réunissait, le passé et l’héritage Maurice Béjart pour se terminer sur le futur, avec les projets et saisons à venir.


La soirée « Carte blanche » au Verbier Festival
Quoi de plus logique que de commencer par ce qui nous réunissait ce vendredi soir-là, la soirée Béjart Ballet Lausanne au Verbier Festival: une soirée « carte blanche », un peu le leitmotiv de sa première saison en tant que directeur artistique. Libre des choix, Julien Favreau nous avait concocté le programme suivant:
- Serait-ce la mort? (1970)
- L’Oiseau de Feu (1970)
- Béjart et Nous (2024)
Trois ballets que j’avais déjà pu voir à plusieurs reprises cette saison. Eh oui, on est pas groupie pour rien! J’en ai profité pour lui demander comment se « construisait » une carte blanche et comment il bâtissait ses choix: Ce sont des choix artistiques basés sur plusieurs facteurs comme en accord avec le théâtre ou le festival, mais surtout en fonction des danseuses et danseurs capables d’interpréter tel ou tel ballet et de pouvoir mettre en avant toute la Compagnie en avant. Et non pas juste pour étaler le répertoire de Maurice.
Serait-ce la Mort?
On commence par la fin avec la mort… encore que c’est discutable, mais nous n’allons pas entrer dans un débat métaphysique. Cette pièce, datant de 1970, est l’une des plus classiques de Maurice Béjart. Sur les Lieder de Strauss, déjà pas forcément des plus faciles d’accès même si cela reste toujours plus facile que Boulez (🤫), un jeune homme va mourir entouré de ses trois amours et d’une quatrième femme.
Après avoir passé un court extrait de Julien Favreau l’interprétant en 2011 au côté d’Elisabet Ros, Julien nous a raconté, l’histoire de ce ballet et la transmission à la jeune génération. Ce soir, c’est Oscar Frame qui reprendra ce rôle. Arrivé au BBL en 2023, c’est sa sensibilité artistique qui a d’abord convaincu. Ne nous mentons pas, avec son faux air savamment mélangé de Julien Favreau, Jorge Donn et Vassily Schneider, sans bien évidemment oublier ses talents d’interprétation et technique, difficile de détourner le regard. En parlant de regard, à trois rangs de la scène, j’ai pu voir celui qu’il en a dégagé en coin à Mari Ohashi dans Béjart et Nous, à la fois espiègle et séducteur. Comme quoi, un seul regard suffit.

L’Oiseau de Feu
Le feu intérieur, l’homme nouveau, le renouveau, des thèmes chers à Maurice Béjart et une œuvre récurrente dans la programmation. J’y voyais une symbolique pour ce ballet et le BBL. Une compagnie qui renait toujours de ses cendres, animée, habitée puisqu’il symbolise la force, le combat, mais aussi la résilience.
Sur la musique d’Igor Stravinsky, « La symbiose entre la danse et la musique est telle dans ce ballet que l’on croirait que Stravinsky l’a écrite pour Béjart et non l’inverse » disait Julien Favreau dans l’interview de Laetitia Le Guay-Brancovan du Verbier Festival. C’est là tout le génie du maître, il sent, danse la musique, il faut danser la voix disait-il. Ceci-dit, ce mariage chorégraphique et musical pourrait s’appliquer à chacun de ses ballets. Autant avec Mozart, Boulez que Queen.
Sur scène, Hideo Kishimoto a repoussé ses limites pour interpréter l’oiseau de feu. Julien Favreau évoquait que chez Maurice, les ballets étaient plus un marathon qu’un sprint. Le plus éloquent étant le Boléro.
Béjart et nous
Un medley signé Julien Favreau. Comme une déclaration d’amour au répertoire du maître pour une balade non exhaustive dans l’univers de Maurice. Inspiré par les « soirées » qu’organisait Maurice Béjart avec des extraits de chorégraphies. De Brel et Barbara (impossible de ne pas verser sa petite larme dès les premières notes de Quand on a que l’amour), à Wien, Wien, nur du allein en passant par du tango argentin, toute la troupe et le répertoire de Béjart sont réunis.

Julien Favreau aux commandes du BBL
Cette soirée clôturait divinement la première saison de Julien Favreau en tant que directeur artistique, poste qu’il occupe depuis le 1ᵉʳ septembre 2024. Un rôle qu’il n’avait pas forcément anticipé… Il nous explique que, suite une blessure – rupture du tendon d’Achille – il est contraint à s’arrêter. Après un an de rééducation, il revient plus fort que jamais pour danser le Boléro (un retour en douceur, lui fais-je remarquer 😅) et on lui propose ce poste. Une évidence, pour celui qui a rejoint la compagnie en 1995 : « Revenir pour bien finir ».
Malgré la transition encore récente, le bilan est d’ores et déjà positif. Et surtout : la compagnie attire aussi bien le public que les danseurs et danseuses ! Lors du dernier recrutement, Julien nous raconte avoir reçu plus de 600 candidatures! Preuve que le BBL reste une référence mondiale, même pour des danseurs qui n’étaient pas nés lors de la mort de Béjart en 2007.
Un autre attrait, la compagnie tourne dans le monde entier : du Brésil au Japon, en passant par la Grèce, l’Italie et bien sûr Lausanne. La transmission, l’exigence, l’excellence : tout est là.
Et la suite?
Le projet de Julien n’est pas de figer le BBL dans un musée vivant. Le répertoire de Maurice restera l’ADN de la compagnie, mais de nouvelles créations viendront enrichir le présent et préparer l’avenir.
2027 marquera non seulement les 100 ans de la naissance de Maurice Béjart (né le 1er janvier 1927) mais aussi les 40 ans de la compagnie (fondée en 1987). Les festivités commenceront déjà en 2026.
Mais, en attendant ces jubilés, deux rendez-vous 25/26 à ne pas manquer:
- 16 au 19 octobre 2025 à Genève pour Hamlet de Valentina Turcu, véritable coup de cœur
- 16 au 21 décembre 2025 à Lausanne, avec deux créations inédites respectivement d’Andonis Foniadakis sur du Depeche Mode (!) et Riva & Repele sur du Chostakovitch. Sans oublier la Béjart’s Touch et L’Oiseau de feu.
Un moment gravé pour toujours
Animer cette discussion au Verbier Festival fut pour moi bien plus qu’une simple « interview ». C’était une rencontre et surtout une immersion totale dans ce qui me fait vibrer depuis toujours : la danse, le BBL et la partage.
J’en ressors grandie, inspirée, émue, avec encore plus d’admiration pour ceux qui font vivre cette compagnie. Et une certitude : c’était mon premier « talk »… mais sûrement pas le dernier 🤞🏻.

Le Verbier Festival
Le Verbier Festival, c’est un festival de musique classique dans un cadre extraordinaire à 1500m d’altitude avec des concerts, des masterclasses, un programme pour les enfants, des rencontres, un festival dans le festival avec UNLTD.
