Des dérèglements envoûtants 

© Laura Gilli

Un dimanche en fin d’après-midi direction Beausobre avec ma mamounette pour redécouvrir les plus talentueux solistes de l’Opéra de Paris dans leur nouveau spectacle « Dérèglements ». Menés par l’incroyable enfant-terrible François Alu, fixé à des ressorts, ce furent 100 minutes d’envoutement total.

C’est déjà à Beausobre, avec Désordres, (j’étais d’ailleurs sûr d’avoir déjà pondu qqch à ce sujet mais non…), que nous avions fait connaissance avec la Compagnie 3e étage et son chorégraphe, Samuel Murez. Dans ce nouvel opus, ce dernier dérègle, détourne, démembre, décrypte et déroute les codes et le monde somme toute fermé de la danse classique. Le tout avec une maîtrise parfaite de la technique.

Première partie

La scène s’ouvre sur un trio, composé notamment par François Alu, qui semble répéter ses pas de 3, un peu à la manière des coqs dans un poulailler cherchant à impressionner la jeune et jolie danseuse qu’ils malmènent quelque peu dans leurs portés. D’entrée de jeu, pour celles et ceux qui ne connaissaient pas la maison, on cerne ce qui va nous attendre. La danse classique ne se résume pas à des jeunes filles en tutu sur pointes et des éphèbes en collants moulants, elle peut aussi faire rire et savoir en rire.

Ce fut le deuxième tableau qui me captiva particulièrement. Un personnage singulier, inquiétant mais attachant, sorti tout droit d’un film de Tim Burton, nous plonge dans un univers à la fois fascinant et déroutant. Aussi romantique que cruel, intense et violent, ce maître de cérémonie burtonnien malmène, tord/ture avec cynisme ses deux danseurs à l’histoire d’amour passionnée et passionnelle dont je tairai la fin. Une interprétation à couper le souffle sans parler de la technique irréprochable des trois danseurs.

Seconde partie

On repart sur du plus léger comme la revisite du plus fameux quadrille du Lac des cygnes (je vous mets la version originale)

en passant par des cours de danse tournés en dérision qui nous permettent d’arriver au même constat : nous avons tous souffert des mêmes remarques quelque peu désobligeantes de nos professeurs de danse, qui ont leur comptage de pas bien à eux. 5, 6, 7 eeeet 8 ! On en profite aussi pour un peu d’introspection et de réflexion avec un pas de deux splendide, interrompu par une constatation virtuelle, this piece is boring, it serves no purposes. Mais l’art doit il vraiment avoir un but… ? (je vous laisse bien évidemment méditer la chose).

Sans oublier l’apothéose avec l’interprétation ô combien virtuose des Bourgeois de Brel par François Alu. Fan inconditionnelle de Béjart qui a donné ses lettres de noblesse à Brel et Barbara, je l’attendais au tournant, si l’on peut dire. Il fut difficile de ne pas faire une standing ovation à Monsieur Alu dès le dernier « con ».

Qui est ce François Alu?

Pourquoi je parle autant de ce jeune homme? Ben parce qu’il est « alu-cinant ». Je l’avais découvert par hasard sur instagram je crois et depuis reste à chaque fois bouche-bée devant ses sauts et pirouettes. En plus d’être plus que doué, il est drôle et arrive à désacraliser l’image psychorigide des danseurs classiques et spécialement masculins. Car oui dès qu’on parle de danseurs classiques, tout le monde s’imagine le danseur gay en collant moulant. Eh bien non, Messieurs, ce n’est pas que ça et un danseur classique peut définitivement être viril même en collant moulant…! Faut juste pas que vous soyez jaloux :-p

Ah oui et il n’a que 25 ans…je sais il est trop jeune pour moi.

S’adressant aussi bien aux afficionados qu’aux novices, cette compagnie et leur(s) spectacle(s) sont, à mon sens, le meilleur moyen pour faire découvrir la danse classique aux quelques réticents en leur montrant qu’un ballet peut être drôle, captivant et nous transporter dans un univers fantastique. Ce n’est pas facile de faire preuve d’autodérision, sans tomber dans la moquerie facile et gratuite, le tout avec décontraction, élégance et intensité. On y retrouve ici le mélange absolument unique d’excellence et d’humour, de technique et d’inventivité, de classicisme et de modernité qui fait la marque de fabrique de 3e étage

Et sinon l’article original écrit pour Beausobre est sur leur blog 🙂 et vous l’aurez compris, je suis absolument fan de cette Compagnie que je suis désormais assidument et qui est au coude à coude avec le Béjart Ballet Lausanne dans mon top de groupie! Si vous avez l’occasion, vraiment aller les voir, cela vaut le détour.

Sabine
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