Madame Bovary fait son cirque au Théâtre de Vidy!

On entre dans l’arène où Madame Bovary fait son cirque. Illusionnistes (les mecs, évidemment), acrobate (la pauvre Madame Bovary qui s’accroche à ce qu’elle peut et qu’on fait voltiger, voire valdinguer), clowns (les mecs évidemment bis), sans oublier Madame Loyale qui mène ce cirque à la baguette. Christophe Honoré transforme Flaubert en spectacle forain et nous embarque dans une revisite tour à tour drôle, cruelle et bouleversante.

Avant la pièce : une histoire de fidélité (au metteur en scène et au Théâtre)

Après la rencontre avec le metteur en scène, Christophe Honoré, en ouverture de saison du Théâtre de Vidy, le 2 septembre dernier et qui nous avait mis plus que l’eau à la bouche, place à la pièce. 

J’avais déjà été conquise par Les Idoles puis par Le Ciel de Nantes. Depuis, j’ai développé une affection particulière pour le travail de Christophe Honoré et il était impensable pour moi de rater ce nouvel opus. Surtout quand il s’agit d’un monument de la littérature française : Madame Bovary. J’avais donc mon repère de vieille classique puriste conservatrice

Repère vite balayé puisque, comme Ludivine Sagnier, ce bouquin ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable. Autant dire que je ne l’ai pas relu avant de voir cette pièce. Mais… j’ai commencé à l’écouter en livre audio dans le bus, cependant j’ai vite capitulé.

Et fort heureusement, car ce n’est de loin pas nécessaire tant on se laisse enivrer par la mise en scène, la musique (Sardou, Led Zeppelin, Joe Dassin et même Justin Timberlake), les rires et même les pleurs. Oui, j’ai versé ma larmichette à la fin!

Apparemment tout le monde se souvenait qu’elle se suicidait à l’arsenic après son mariage, sauf moi. Et de ses amants foireux, comme quoi déjà au 19e siècle, on tombait sur des mecs toxiques tout en se surendettant pour des achats « fast fashion » superficiels afin de combler un vide existentiel.

La mise en scène « Tournez manège »

L’arène s’ouvre comme un véritable cirque. Sous le chapiteau, on voit les coulisses et extérieurs retransmis sur écran géant, les gradins depuis lesquels on décidera de la mise à mort ou non de notre héroïne, les trapèzes, poutres et cerceaux. Des chorégraphies dignes de Béjart, un confectionneur de barbes à papa professionnel, des interviews entre téléréalité et late night shows à la Jimmy Kinnel et même une opération chirurgicale rondement menée.

À tout moment, on change de ton, de rythme, d’univers. Les micros s’échangent comme on se passe Emma Bovary, chacun et chacune devenant tour à tour le miroir de son destin.

Les artistes

Côté distribution, on retrouve la petite « famille Honoré » avec ses fidèles, mais aussi un nouveau visage, vaudois s’il vous plaît.

Mesdames
  • Ludivine Sagnier, parfaite en Emma Bovary, fragile et flamboyante.
  • Marlène Saldana, irrésistible Madame Loyale équestre, meneuse d’arène à la fois autoritaire et exubérante qui tient les rennes de ce chaos.
Messieurs
  • Harrison Arévalo, en Rodolphe Boulanger, séducteur toxique.

  • Jean-Charles Clichet, touchant Charles Bovary, crédule mais attachant.

  • Julien Honoré, excellent Monsieur Homais, le pharmacien propriétaire du « capharnaüm » bavard au phrasé impeccable.

  • Davide Rao, notre jeune acteur vaudois (cocorico), prometteur, endosse le rôle de Léon Dupuis, amoureux transi, timide et instruit (je cite).

  • Stéphane Roger en Monsieur Lheureux, croyez-moi, c’est pas de la tarte ce marchand.

©Laurent-Champoussin

les citations et références

Même si je fus captivée dès la 1ʳᵉ minute par l’entrée des artistes sur Cry me a river de Justin Timberlake, j’ai été définitivement conquise lors de la réplique de Charles Bovary (si je ne me trompe pas):

On ne laisse pas Madame Bovary dans un coin!*

*si vous n’avez pas la réf, je ne peux plus rien faire pour vous.

À retenir également: Elle me sort de mon quotidien | Revenons du côté des sentiments, ils sont de quelle couleur? | L’amertume de l’existence servie sur son assiette.

Pas franchement étonnant qu’elle devienne dépressive, capricieuse et méprisante!

Quelques nuances de gris…

Il faut tout de même admettre quelques longueurs… La pièce dure 2h30 qu’on ne voit pas forcément passer. En même temps résumer un roman de 528 pages, il fallait aller au fond de l’œuvre. Et c’est un peu la « mode » de notre époque. Combien de séries Netflix pourraient être ramenées à 4 épisodes plutôt que 8. Mais on aurait pu ne pas s’attarder sur quelques scènes un peu crues et bruyantes, comme le concours de bruits de cochons et de vaches… Mais je n’en dirai pas plus.

Petit regret, on aurait pu pousser encore plus loin le côté télé-achat du « moment du shopping », pour mieux coller à la réinvention du texte.

En conclusion

C’est tout simplement une réussite. Avec une belle répartition des rôles : Emma n’accapare pas toute la lumière, chacun·e trouve sa place. Christophe Honoré transforme Bovary Madame en véritable attraction. Un peu comme une fête foraine : parfois bruyant, parfois déroutant, on a l’impression d’avoir assisté à un numéro d’équilibriste et de haute voltige : entre rires, émotions et excès! Je remonte volontiers pour un tour de manège!

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